La Reine Morte de Montherlant filmée par Pierre Boutron
Une reine morte
...bien vivante !
La Reine Morte de Montherlant :
du Grand (télé) Cinéma!
A côté des histoires fortes de Montherlant, les scénaristes "pro" salariés des "ateliers d'écriture" des chaînes semblent ne nous abreuver que de pipi de chat...
L’adaptation télévisée de Pierre Boutron°*, diffusée pour la première fois le 19 mai 2009 sur France 2 (rediffusée depuis), a été un GRAND MOMENT DE CINEMA ! Eh oui ! Montherlant, dramaturge émérite, pointilleux sur la façon dont ces pièces devaient être mises en scène, était, en filigrane, un “scénariste” audio-visuel (avant la lettre) de génie! Porter à l’écran (qui plus est au petit écran) l’œuvre maîtresse de HM, était une gageure - pour ne pas dire « casse-gueule ». Je l’ai rêvé… Boutron l’a fait ! Et avec quelle maîtrise : respect de la “texture” du texte (!), exploitation habile et esthétique de l’histoire, intégration heureuse de “scènes d’action” (qu’un certain journal a qualifié avec dédain de “cape et d’épée” vulgaire) - si cette Reine Morte était de “la soupe” de “prime-time”, alors, de cette soupe-là, je redemande!
Michel AUMONT - Gaelle BONNA © Patricia Andrade France Télévision
Décors naturels et costumes réalistes - l’auteur aurait apprécié, qui a écrit, dans ses consignes pour La Ville* (dont le prince est un enfant): “Les habits des garçons ne sortent pas de chez le vendeur, comme il est de routine sur la scène. Ils sont fatigués, usagés.” Et encore : “On devrait retrouver au théâtre les gros plans du cinéma.” et: “Presque tout le théâtre - je parle du théâtre représenté car le faux du comédien se superpose au faux de l’auteur - paraît être un succédané de Guignol, auprès du Voleur de Bicyclette ou des Jeux interdits, pour ne citer que des œuvres récentes. Ces œuvres représentent la vie “vraie”, avec ce qu’il faut de tour de main pour la mettre en valeur, et nous montrent que c’est elle qui est admirable.” (1952)
Un Michel Aumont° magistral, très “chair”, dans son personnage du Roi Ferrante, être torturé par son orgueil, sa fragilité, ses haines, ses passions, sa prétention, son amour filial… Crédible jusqu’au bout des ongles, le grand acteur - probablement l’un de nos comédiens les plus talentueux -, a donner sang et vie aux exquises répliques de Montherlant. Ses partenaires ont été tout aussi remarquables (Gaëlle Bona notamment, dans le rôle-titre), tous à la hauteur de l’œuvre grandiose. Boutron, pour avoir ainsi magnifié par sa réalisation (technique et artistique) l’un des plus beaux textes de HM, mérite la palme d’Or du bon goût et de l’à-propos…, et de la perspicacité.
On nous dit : “ça a été la cata pour la chaîne !” (audimat)… Et alors ? On s’en fout ! France 2 (jusqu’à preuve du contraire) est une chaîne de “service public” ; qu’elle serve donc aux téléspectateurs des émissions de qualité, si “non-tendance” fûssent-elles ! Que la majorité non-silencieuse des consommateurs de petite lucarne ne fût pas sensible à la beauté et à la grandeur qui lui étaient proposées ce soir-là, qui en serait surpris ? Montherlant avait en horreur la médiocrité (comme Ferrante, frère jumeau de Georges Carrion de Fils de personne)…
Il est vrai que La Reine Morte de HM, à sa première diffusion, avait fait un bide "sans précédent" sur France2...
...pôvre France!
“Quand j’ouvre ma fenêtre sur le monde, ce qui me fait le plus souffrir, c’est le spectacle de l’indulgence. Partout je la retrouve, en haut, en bas… L’indulgence, ce serpent auquel il faudrait écraser la tête.” (Fils de personne - Acte III, scène III)
CQFD
* Pierre Boutron a mis en scène La Ville dont le prince est un enfant en 1994, pour le théâtre Hébertot
DVD Zone 2 | film | Citel Video | sorti en novembre 2009
Michel Aumont, Gaëlle Bona, Thomas Jouannet
A découvrir aussi
- Alphonse Daudet, des textes goûteux... à écouter!
- Quand les spectateurs des théâtres en avaient "pour leur argent"!
- Avignon 2016 : Les Damnés du Palais papal
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 21 autres membres