Histoires en livres scènes images et voix

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Les adolescents et le théâtre... la haine!

«Qu’un certain théâtre

continue d’être Guignol (…)

mais qu’il y ait aussi un théâtre

où l’on trouve autre chose

que la haine de la nature,

de la vérité et de la vie.»

(Henry de Montherlant - 1952)



Il ne faut pas se voiler la face, les enfants et adolescents n’aiment pas le théâtre ! Ce n’est pas «leur truc»... Les «ateliers-théâtre» qui leur sont destinés ne font guère recette et, pour ce qui est des garçons, ils y sont, sauf exceptions, aussi rares que dans les cours de danse (!). Quand un enfant dit à ses camarades (j’en ai connu qui s’en abstenait) «je fais du théâtre», il reçoit en réponse «ça craint! » (cela m'a été dit par un gamin). Pourquoi donc «tant de haine» envers le spectacle vivant, alors que les enfants sont si friands de fictions, d’aventures, d’évasion, de rêve? Le théâtre dit contemporain y est sans doute pour beaucoup dans cette non attirance chronique. Les scénographies «modernes», avec leurs textes prétentieux-donneurs-de-leçons ou autres jongleries avec les mots qui n’amusent que ceux qui les font et ne captivent (?) que les abonnés du parterre de prestigieuses structures locales, encensées par les médias parce qu’il est de bon ton de paraître «tendance», ne les touchent pas...

 

Caisse à savon, ketchup et nudité,

les cités pour décor...

 

Les décors faits de caisses à savon, de bidons de 200 L, de lit défait, les fonds de scène (quand il y en a) qui «reconstituent» les murs tagués aux graffitis obscènes de leurs cités, ou tendus de voiles dont on ne saisit pas la nécessité ni l’intérêt esthétique, les agressent plus que ne les surprennent... Nos collégiens et lycéens sont ouverts à l’évasion, à l’imagination, mais si on «les emmène au théâtre» (car ils n’iront pas de leur propre initiative), ils y trouveront un succédané grotesque de leur milieu urbain, de leur société décomposée, y entendront une litanie socio-politique ou une narration carcérale, ou les confidences d'un homme (ou d'une femme) en «fin de vie» pour cause de cancer ou de sida, on les y provoquera d’évocations sexuelles, par le verbe ou le geste, rudes et pas prudes, ils y verront, médusés, jouer Molière en jean avec du ketchup pour accessoire, et même des comédiens pisser sur la scène si ce n’est pire encore...

Et maintenant, c'est très au goût du jour (?), ils auront droit d'y mater de beaux (ou laids) corps nus, des deux sexes. Si vous êtes «textile», les naturistes ne vous obligeront pas d'entrer dans un camp naturiste ni de fréquenter une plage de «culs-nus»... Dans le théâtre contemporain, on ne demande pas votre avis! Et si le mauvais goût ou l'exhibitionisme est sur les planches, une fois le derrière posé sur votre fauteuil (payé fort cher), vous en prendrez plein la g... Et difficile de faire marche arrière!

Si on leur propose un «classique», le texte, ou la mise en scène (ou les deux) en seront «dépoussiérés», «revisités »- nos journaleux spécialisés se gargarisent de ces mot (ces maux) qu'ils vénèrent docilement; ils y entendront « parler-cités », des obscénités de cours de récré ; ils y verront des costumes hétéroclites et bigarrés, extravagants, forcément anachroniques, et tout cela sous la baguette (la braguette?) non magique de théâtreux prétendument géniaux...

 


Mais le théâtre,

n’est-ce QUE cela ?

 

Le faire croire (le laisser croire) aux enfants est malhonnête. La déclaration rageuse de M. Henry de Montherlant, citée en exergue, et qui ne date pas d’aujourd’hui, n’a jamais été aussi pertinente ! La forme de théâtre que défendait l’un des plus grands dramaturges français, un théâtre «moderniste» à souhait puisque naturaliste, n’est (toujours) pas ou peu mis en scène de nos jours... Quelques exceptions existent toutefois, isolées, notamment sur les scènes parisiennes... Les pièces «policières» ou de théâtre «de boulevard» font dans ce «naturalisme» là.

 

Dans son théâtre «en complet-veston», et particulièrement dans Fils de personne, (mais il n'y a pas que cet auteur: je pense, sur le vif, au texte Les parents terribles de Cocteau), les jeunes peuvent y trouver des «tranches de vie», comme au cinéma, mais... en chair et en os ! Et c’est là, l’exquise différence d’avec l’audiovisuel! De plus, la fiction, puisque fiction il y a, les concerne, car elle aborde la condition de l’enfant et la désunion des parents, l’incompréhension d’un père autoritaire pour son fils futile, elle met «en vie» des relations intimes et «ordinaires» et non de grands débats de société dont on leur rabâche les oreilles... Les collégiens et lycéens, gavés d’images crues, réalistes, ou à l’opposé, de clichés primaires de plus en plus mariés au virtuel décharné, sont aptes, j’en suis sûr, à s’impliquer dans un spectacle théâtral naturaliste et «authentique», là où les acteurs sont vrais, costumés comme à l’époque, se déplaçant dans un mobilier authentique et non anachronique...

 

L’intelligentsia culturelle française est tombée des nues devant la vague déferlante des «Choristophiles», suite au succès incroyable du film Les Choristes de Barratier... Or, que voit-on, dans cette oeuvre «mineure» (sic Télérama qui, à sa sortie, n’y consacra qu’une notule condescendante pour, beaucoup plus tard, lui consacrer une page en s’excusant de prendre le train en marche), sinon qu’une fiction riche d’authenticité, de naturel, de quotidien, avec des émotions fortes et communes à tout-un-chacun ? De surcroît, les personnages d’enfants y foisonnent, dans une ambiance environnementale au «charme désuet» mais émouvant... La «magie» de la mise en scène a donc fonctionné !

Pour conclure, ce mot de Henry de Montherlant:

 

«Il me semble qu’il y a dans une mise en scène parfaite quelque chose d’analogue au langage, quand il s’efface devant le sens.» (1943)

 

 

 

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Thibaut Guillot s'apprête à entrer en scène pour interpréter le rôle de Gillou 

dans Fils de personne, de Henry de Montherlant (2008 au théâtre de Valence). 

© Compagnie Gérard F photo Eric Minodier 

 

 

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04/11/2014
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